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dimanche 19 avril 2020

Poème Berrichon

POEME BERRICHON




Un peu de poésie ne peut pas nous faire de mal et nous déplaire durant cette période plutôt inhabituelle.


Poème de Pascal PAUVREHOMME - conteur et poète berrichon
extrait publié par La Bouinotte (Châteauroux 2005)


Ça s’est bin toujou’s fait

Quanque ça vint la montée du temps,
Sitôt qu’ l’hiver, al’ est pâssée,
Y a mes vouésins, tu les entends,
Qui s’ mettont à japper su’ moué :
- Avouène ton chevau, mon vieux basiot,
Si tu veux fini’ tes embleuves.
T’attends l’ dégel ou t’attends l’iau ?
Nous, ça y est, la marsèche a’ leuve.
Moué, j’y réponds : - Bin qu’a’ leuve don’,
Al’ est coumme vous, al’ a l’veson.
Avant Saint-Mar’, ça y f’ra bon.
Faites-vous-en-pas, j’ vas bin tout s’mer.
Les embleuves ;
Ça s’est bin toujou’s fait.

 Quanque aux bouchures défleurit l’mai,
Les v’là déjà après tout f’ner.

Ça l’arsemb’e une épidémie,
Coumme la maladie d’ la faucherie.
I’ râpont tout : pacages et prés.
Sitôt coupé, sitôt serré.
Ça l’a tout juss’e l’ temps d’ sécher.
I’ vou’rint bin m’ fai’ fougaler :
- Coupe don’ tes foins, i’ vont grainer.
Moué j’y réponds, sans m’ameiller :
- Faites-vous-en-pas, j’ vas bin tout f’ner,
Mes bêtes auront bin d’ l’apidance,
A’ z’ont jamais pâti d’ la panse.
A’ pren’ra bin l’ temps d’ vous faucher,
Celle-là du champ des allongés.
Les foins ;
Ça s’est bin toujou’s fait.

Quanque su’ les blés, la paille jaunit,
Dans les jambes i’ z’ont des froumis.
Tant pire si l’grain, il est pas mûr,
Faut tout couper, l’ temps yeu’ dure,
Sans décesser, à pleines bordées.
Ça prend pas guère l’ temps d’ graisser.
Les jours, les v’là p’us assez longs,
Minme dans la nuit, i’ bourdonnont.
- Mais v’êtes don’ fous, allez-y mou.
Moué, j’ dis qu’ ça r’ssemble à rin du tout.
Si j’tins encore à la fin d’août
Mais j’embauchons à peine juillet.
Qui faire que vous vous ameillez ?
La mosson ;
Ça s’est bin toujou’s fait.


Quanque l’ raisin c’mmence à sanger,
Allez, ça y est, faut vendanger.
I’ s’eccupont pas des varjus,
On y mettra du suc’ en p’us.
C’est coumme une bande de sansounnets.
Les vignes, a’ s’ vouéyont pas condui’.
Et puis les v’là à m’allucher :
- Tu veux don’ les laisser pourri’.
Sôrs tes poinçons, prépare tes siaux ;
Manquab’e que tu bouèras qu’ de l’iau.
C’est-ti qu’tu les laisses aux moniaux
Vou qu’ tu crain’rais l’ mal de dos ?
- Eccupez-vous pas d’ mes douleurs.
Moué, j’y laisse prend’e de la couleur,
Que j’y réponds. Cueillez-les don’
Si v’aimez fai’ d’ la ch’tite bosson.
C’est pas du bouère à ma manié’.
Les vendanges ;
Ça s’est bin toujou’s fait.


L’aut’e souèr, j’avins fini d’ souper,
J’ dis à Fonsine : - Vins don’ t’ coucher.
J’étais bin juss’e su’ l’pouèl des reins,
Que v’là-ti pas que j’ sens sa main
Qu’a’ m’ fourgounnait sur l’ devant.
A’ v’nait d’me faire coumme un coup d’ sang.
J’y dis bin vite : - Veux-tu fini’,
J’sons p’us d’une âge aux agaceries ;
On va laisser tout l’ monde au lit.
Mais si tu croués qu’ ça l’a r’butée,
Al’ est r’venue à m’allucher :
- Arrive don’ là, mon grous moniau,
Arrive don’ vite, j’ veux t’ fai’ la piau !
Mais tu gonfelles pas l’édredon,
J’ te sens bin pâle dans ton caleçon,
T’aurais-ti pas des foués l’ pleyon ?
Moué, j’y réponds : - bouge pas mignon,
Laisse don’ fai’ un peu la nature.
Minme l’ pain mou, i’ finit dur.
Ça va bin v’ni’, sans m’agacer.
La bricole ;
Ça s’est bin toujou’s fait.


 
Pascal PAUVREHOMME « Detfunt l’Ugène », monologues patoisants publié par La Bouinotte (Châteauroux, 2005)


Glossaire, sonorités :A’, al’ : elle.Allucher : séduire, allécher.Ameiller (s’) : se faire du tracas, du souci.Apidance : nourriture.Basiot : idiot, imbécile.Bouchure : haie vive servant de clôture.Ça l’arsemb’e : cela ressemble.Ch’tit : mauvais ou petit.Eccuper : occuper.Embleuves (ou emblaves) : semailles.F’ner : faire les foins.Fougaler : précipiter le mouvement, énerver.Fourgounner : remuer en faisant du bruit.I’ : il.« In » : remplace le son « ien ».« Ins » : remplace le son « ais ».Juss’e : juste.Leuve : lève.Manquab’e : sans doute.Marsèche (la) : orge.Minme : même.Moniaux : les petits oiseaux en général.« Ouè » : « oi ».Pleyon : manque de vigueur, en parlant du sexe masculin.Toujou’s : toujours.Veson (le) : nervosité.Voù : où.Yeu : leur (s).




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